Majorité présidentielle en RDC : difficile respect de la ligne du parti

22 septembre 2015

Majorité présidentielle en RDC : difficile respect de la ligne du parti

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En l’espace d’une semaine, deux événements majeurs ont profondément changé la donne et modifié le paysage politique en République démocratique du Congo (RDC). Conséquence logique d’un climat politique délétère, couplé d’une méfiance qui règne dans ce pays au point où, il est pratiquement difficile de tenir un dialogue franc et sincère entre les différents acteurs politiques.

Premièrement, le retrait soudain de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), la fille aînée de l’opposition congolaise, à la table de négociation avec Majorité présidentielle (MP) en vue de la préparation d’un dialogue national qui devait absolument se tenir avant les élections présidentielle et législatives apaisées, prévues en novembre 2016.

Deuxièmement, la lettre ouverte du G7 (Groupe des sept partis politiques exclus de la MP) adressée au président Kabila exigeant le strict respect de la Constitution du pays. Cette goutte d’eau, lettre de trop, qui a fait déborder le vase de la MP, au point de provoquer de l’énervement au sein de cette famille politique qui a soutenu fermement Joseph Kabila en 2006 et 2011. Ce dernier n’a d’ailleurs pas tardé à réagir, en procédant immédiatement à la révocation des frondeurs. S’en est donc suivi une série des démissions en cascade tant au sein de la direction de deux chambres du Parlement qu’au gouvernement dit de « cohésion nationale ».

Ces deux événements ont affecté toutes les tentatives entreprises par la MP en vue de repousser les élections et ainsi offrir une chance de plus à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir après novembre 2016.

President Kabila looks on during signature ceremonies.
President Kabila looks on during signature ceremonies.

Décidément la mayonnaise ne prend pas. Les choses semblent se compliquer de plus en plus pour l’actuel président qui, il faut le dire, est resté sourd à toutes les agitations au sein de sa famille politique qui aimerait savoir s’il se présentera ou pas en 2016. Même ses plus proches collaborateurs ne sont pas informés de son avenir politique après 2016.

Qu’à cela ne tienne, avec les révocations et démissions survenues à la suite de la publication de la lettre ouverte du G7, il est absolument nécessaire de réaménager l’équipe gouvernementale qui a été amputée subitement d’un certain nombre de ministres seniors.

Par souci de cohésion et d’efficacité, le premier ministre Matata Ponyo devrait absolument procéder rapidement à un remaniement de son cabinet pour combler les postes laissés vacants. Mais à l’approche des échéances électorales, personne ne peut se faire d’illusions, il est fort probable que le premier ministre tiendra compte prioritairement de poids politique des composantes restantes dans la MP, encore fidèles à leur autorité morale.

Qu’adviendra-t-il des ministres qui n’ont pas respecté la ligne du parti ?

La ligne du parti est nécessaire pour une action efficace des partis politiques tant au sein du gouvernement que du parlement. Les députés et ministres doivent être loyaux à leurs chefs et aux décisions de leurs partis politiques respectifs. Dans le contexte du parlementarisme canadien, par exemple, la ligne du parti fait référence à l’obligation qu’ont tous les députés membres d’un parti de respecter la discipline du parti lorsque vient le temps de voter sur une motion présentée ou une question particulière à la Chambre des communes (Parlement).

Ainsi donc, en faisant un saut en politique sous la bannière d’un parti, un acteur politique doit savoir qu’il fait partie d’une équipe et sous la direction d’un chef du parti. Il doit se conformer à la ligne et aux orientations déterminées par le parti, même si celles-ci vont à l’encontre de ses propres ambitions.

Dans la plupart de régimes politiques, les candidats se présentent aux élections sous la bannière d’un parti politique. Et lorsqu’ils sont élus, ils doivent savoir que c’est le parti qu’on a choisi avant tout. Et donc, ils doivent leur élection, dans bien des cas, à leur parti. Et quand le parti choisit un membre pour faire partie d’un gouvernement d’union nationale, ce ministre représente d’abord son parti et doit veiller aux intérêts de celui-ci. S’il arrive que son parti lève une option sur une question fondamentale donnée, il doit se conformer scrupuleusement. Sinon, il ferait mieux de se lancer en politique en tant qu’indépendant.

En effet, après que le G7 ait été exclu, le bureau politique de la MP a demandé à tous les parlementaires membres des bureaux de deux chambres, ainsi qu’à tous les ministres appartenant au G7 de se prononcer publiquement, soit pour désavouer les signataires de la lettre ouverte, soit alors de démissionner parce que leurs partis n’étaient plus membres de la MP. Ce qui est tout à fait logique.

En démocratie, les électeurs votent, dans la plupart des cas, pour le parti que pour le candidat. Le gros bon sens voudrait que lorsque les militants votent pour un candidat de leur parti, que celui-ci reste fidèle et défende le projet de société établi par son parti au sein du Parlement et au gouvernement. Ils ne s’attendent pas à ce qu’une fois député ou ministre, que celui-ci puisse tourner le dos à son parti pour ses intérêts personnels. Il semble qu’il y a là une question d’éthique pour tous les élus, face à eux-mêmes, à leurs électeurs et aux partis qui les ont mandatés au gouvernement.

De toute façon, le changement d’allégeance en politique n’est toujours pas bien perçu, aussi bien par ceux que vous avez trahis, que par ceux qui vous reçoivent pour X raisons.

Sans vouloir tirer des conclusions hâtives sur le sort qui attend les ministres qui ont désobéi au mot d’ordre de leurs partis, nous pouvons dire que ces ministres doivent être conscients qu’ils ne représentent aucun poids politique en restant dans la MP comme indépendants. En effet, ils n’ont pas de chance de conserver longtemps leurs postes ministériels, devant la multitude de partis qui ont pignon sur rue dans la MP et attendent désespérément leur entrée au gouvernement. C’est comme qui dirait : « Donner une deuxième chance à quelqu’un qui t’a trahi, c’est comme donner une deuxième balle à quelqu’un qui t’a manqué. »

ikIsidore KWANDJA NGEMBO, Politologue

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