Et si c’était le stratagème du PPRD pour conserver le pouvoir?

27 décembre 2014

Et si c’était le stratagème du PPRD pour conserver le pouvoir?

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Le retour triomphal, le 23 décembre 2014, de Moïse Katumbi, gouverneur de la riche province du Katanga, après une absence prolongée de sa juridiction pour, officiellement, des raisons de santé, fait la Une de tous les journaux à Kinshasa et dans l’arrière-pays. Les médias congolais  y consacrent l’essentiel de leurs analyses au discours que le gouverneur Katumbi a adressé à ses administrés venus nombreux l’accueillir en liesse à sa descente de son jet privé à l’aéroport international de Lubumbashi.

Plus spécialement, les médias congolais décryptent les bouts de phrases « assassines » prononcés par le gouverneur du Katanga, pour conclure rapidement que le « mariage Kabila-Katumbi » est consommé. La métaphore sportive du « troisième faux penalty » utilisée par l’intéressé pour mettre en garde l’arbitre, que les supporters de l’équipe adverse n’accepteraient plus un faux penalty et pourraient descendre sur le terrain pour en découdre, est interprétée différemment. Les médias ont directement fait allusion aux deux mandats de Joseph Kabila et à l’éventualité d’un troisième qui ne passe pas aux yeux de nombreux congolais.

Ce n’est un secret pour personne que le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) veut à tout prix modifier la Constitution pour permettre à son président de se représenter pour un troisième mandat. Mais dans l’éventualité où toutes les tentatives de modification n’aboutiraient pas, étant donné que la Constitution en vigueur dans son pays ne permet pas à Joseph Kabila de se représenter pour un troisième mandat, le parti présidentiel chercherait une alternative crédible pour tenter de conserver le pouvoir.

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Dans une telle éventualité, le gouverneur du Katanga apparait, à plusieurs égards, comme celui qui pourrait gagner ce pari en 2016. Ainsi, il permettrait au parti à la fois de conserver le pouvoir et de garantir la sécurité du président sortant et de ses biens.

En effet, Katumbi est très populaire au Katanga et pas seulement. Sa popularité dépasse même les limites de sa province qu’il administre depuis les élections de 2006. Il n’hésite pas de venir au secours des congolais en dehors de sa province. Pour preuve, lorsqu’il a demandé à ses administrés venus l’accueillir, d’observer une minute de silence, il a parlé de toutes les victimes que le pays a enregistrées.

Grand mécène, Katumbi est bien connu dans le monde du sport tant national qu’international. Il est le manager du Tout Puissant Mazembe, une équipe de football qui a déjà remporté deux fois la coupe d’Afrique des clubs, respectivement en 2009 et en 2010. Son Tout Puissant Mazembe est le premier club africain à jouer une finale de la Coupe du monde des clubs en 2010.

En plus, Katumbi est issu d’une famille de riches commerçants du pays et lui-même en a les moyens financiers pour battre campagne dans un pays habitué à offrir des petits cadeaux aux électeurs pour gagner leurs voix.

Mais le grand handicap de Katumbi serait celui de se présenter sous la bannière du PPRD. Il aurait alors à devoir justifier toutes les décisions, bonnes ou mauvaises, prisent par son parti au pouvoir pendant près deux décennies, ce qui risquerait fort d’entamer sérieusement sa popularité.

En effet, il ne fait aucun doute qu’après deux mandats consécutifs de Joseph Kabila, précédés de 6 ans depuis qu’il est arrivé au pouvoir après la mort de Laurent-Désiré Kabila qui en avait déjà fait 4 ans, le candidat du PPRD aurait certainement du mal à présenter un bilan convainquant face à toutes les promesses faites et aux attentes légitimes que les congolais avaient de ce régime, tant sur le plan sécuritaire, économique et social.

Katumbi : candidat du parti ou un affranchi?

En politique, tous les stratagèmes sont bons pour conquérir et conserver le pouvoir. Ceux qui ont lu « Le Prince » de Nicolas Machiavel savent que l’art politique consiste à dompter la fortune en combinant la ruse et la force. Et, Machiavel recommandait au prince d’être rusé comme un renard et féroce comme un lion dans l’exercice du pouvoir.

J’ai aimé une analyse faite par Rémy Ngoy Lumbu, un natif du Katanga et professeur de droit à l’université de Kinshasa qui a écrit sur son compte Facebook : « Le retour de Chapwe Katumbi Moïse : un discours communiquant et distrayant ».

R. Ngoy Lumbu note que le gouverneur Katumbi devra clarifier sa pensée dans les jours à venir, car cela pourrait signifier effectivement qu’il s’opposerait à un troisième mandat de JKK, son patron jusqu’à preuve du contraire. L’auteur de ces propos dit n’est pas être naïf au point de penser que la déclaration du gouverneur Katumbi suffirait pour distancer les deux poids lourds de la politique congolaise. S’opposer publiquement à ce fameux troisième mandat n’est pas un indicateur de la déloyauté.

R. Ngoy Lumbu s’étonne par ailleurs que les congolais continuent à être distraits au lieu de revendiquer leur droit d’exiger la régularisation des mandats qu’ils ont confiés aux élus du peuple. Il met en garde tous ceux qui se réjouissent des zélotes et lance un appel aux congolais d’être exigeant en matière des « termes et délais ».

En effet, plusieurs analystes politiques qui s’intéressent à la situation en République démocratique du Congo (RDC) ne semblent pas croire à l’idée que par ces petites  phrases, Katumbi se serait réellement affranchi de l’autorité morale de son parti politique. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il s’agirait d’un stratagème monté par son regroupement politique, avec l’appui probable de sa province pour conserver le pouvoir, en misant sur la popularité de Moïse Katumbi comme alternative possible.

Cela pour plusieurs raisons que nous ne saurons détailler présentement. Toutefois, il est nécessaire de noter que le Katanga est la province du chef de l’État congolais. Là où on a élu Joseph Kabila à 100 % en 2011.

Lorsque le président de l’Assemblée provinciale du Katanga – fervent défenseur de  Joseph Kabila – demande au président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) d’accélérer les préparatifs pour que le pays aille rapidement aux élections, alors que le gouvernement congolais voudrait d’abord recenser la population avant toute élection, qu’est-ce qui se trame derrière?

Les hommes politiques utilisent souvent la ruse d’une façon ou d’une autre pour convaincre et conserver le pouvoir. Le commun de mortel détecte difficilement ou en retard cette ruse, étant donné qu’elle est souvent voilée, protéiforme et omniprésente dans toute action de l’homme politique.

La ruse de l’homme politique est d’autant indétectable pour le commun de mortel, parce qu’elle est hautement une vertu intellectuelle qui consiste à adapter ses moyens à ses fins. C’est une habileté à tirer parti de l’ignorance du peuple, entretenue souvent par la dissimulation et la simulation des intentions de l’homme politique « l’être et le paraître ».

Si le gouverneur du Katanga a les intentions réelles de se présenter aux élections présidentielles de 2016, gageons que dans les jours à venir nous en saurons davantage sur les jeux politiques préélectoraux.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue

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